Kai Koddenbrock interviendra lors de la séance du 24/02/2023 du Séminaire Économie politique des capitalismes

Kai Koddenbrock interviendra lors de la séance du 24/02/2023 du Séminaire Économie politique des capitalismes

Grâce à une bourse de la Fondation Alexander von Humboldt de l’université de Bayreuth en Allemagne, Kai Koddenbrock est intégré à LAM du 01/09/2022 au 01/07/2023.

Kai Koddenbrock est enseignant-chercheur en relations internationales, politiques économiques internationales, marchés monétaires et financiers.


Il interviendra lors de la séance du 24/02/2023 du Séminaire Économie politique des capitalismes. Perspectives Nord/Sud: « Politique monétaire, transparence banque centrale Afrique de l’ouest, Souveraineté monétaire » aux côtés d’Edwin le Heron, Professeur des universités, Sciences Po Bordeaux.

Son intervention est intitulée: « Les banques centrales au service du peuple ? Les finances des gouvernements et la politique de la banque centrale BCEAO dans la zone Franc CFA ».
En savoir plus sur la séance

A son arrivée en septembre 2022, LAM avait recueilli cette interview de Kai Koddenbrock.

Sur quelles thématiques portent généralement vos recherches ?

J’analyse les relations entre les Etats et les marchés et j’ai une approche post- et anti-coloniale avec un focus sur la finance et la monnaie. Je m’intéresse plus particulièrement aux relations d’inégalités globales, leurs raisons, et la persistance de ces inégalités à travers les relations financières et monétaires.

Plus spécifiquement, je cherche à savoir à quel point les relations financières aident les pays en Afrique de l’Ouest à être auto-déterminés ou au contraire à quel point elles les empêchent d’être souveraines. Cela passe donc aussi par l’étude des institutions et des structures coloniales qui ont été développées et imposées.

Quelles questions sur les inégalités allez-vous traiter durant ce séjour à LAM ?

Avec mon groupe de recherche, je fais une étude comparée du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigeria depuis les années 1960, quand les gouvernements ont essayé de transformer leur dépendance financière et leur système financier domestique. Les premiers résultats de ces recherches seront synthétisés pour donner lieu à un livre.

Durant mon séjour à LAM, je vais approfondir l’étude de l’histoire du Sénégal. Je vais analyser ce que les quatre derniers régimes gouvernementaux du Sénégal ont fait pour améliorer leur marge de manœuvre dans le champ de la monnaie et de la finance (franc CFA, mesures au niveau des banques, les succès, les défaillances…).

Le fait d’être intégré à ce centre multi-disciplinaire va me permettre de rencontrer de nombreux chercheurs aux différentes spécialités. Par exemple, je vais être amené à travailler avec Etienne Smith et Mariam Ndiaye, spécialistes du Sénégal. Jean-Philippe Berrou, David Ambrosetti, Vincent Foucher et Anthony Amicelle (du C.E.D), sont aussi des interlocuteurs avec lesquels j’espère avoir des échanges conceptuels et empiriques.

D’où vient votre intérêt pour l’études des inégalités ?

Dans les sciences sociales, les disciplines ont tendance à être très séparées les unes des autres. Le système académique amène les chercheurs à se spécialiser à un tel point que les questions sont fréquemment traitées de façon trop partielle à mon goût.

Par le prisme de la Science politique, la mauvaise gouvernance ainsi que la corruption sont habituellement pointées pour expliquer les difficultés que rencontre l’Afrique dans son développement. Par le prisme financier et monétaire, si on étudie les décennies après les indépendances (des années 1960 aux années 1980), on voit que plusieurs pays d’Afrique ont essayé d’améliorer la situation pour leur population (créer un secteur public, exporter pour créer de la richesse). Cependant, les infrastructures sont généralement très chères à construire. Et pour dépenser de l’argent, il faut en gagner.

La grande majorité des pays africains a une mobilisation de ressources et une production trop faibles pour financer tout cela. Les pays doivent donc emprunter et s’endetter à l’étranger, avec des devises étrangères. Les taux d’intérêt et les taux de change étant élevés, instables et fluctuants, leurs dépenses le sont aussi. Et dans une économie mondiale très volatile, avec des prix volatiles, lorsqu’un pays n’a que deux ou trois produits d’exportation bruts, la situation est vraiment complexe à gérer.

En résumé, la structure de l’économie internationale, la persistance des institutions coloniales et les relations de dépendance financière étant très marquées, il est très difficile pour les pays africains de s’en sortir. Je trouve que c’est nécessaire d’essayer de comprendre d’où ça vient.

Grâce à ces études, je peux questionner les rôles des relations capitalistes et financières, et plus largement, les alternatives et les solutions possibles.

De nos jours, la crise climatique empire les défis que rencontrent les pays africains. Arriver à une souveraineté alimentaire, énergétique et économique a toujours été urgent, mais avec ce contexte climatique, ça l’est encore plus.

Plus personnellement, en tant que chercheur allemand, citoyen européen, je me demande ce que je peux faire politiquement et académiquement pour contribuer à réduire ces inégalités. Je dirais donc que mon intérêt est une question de valeurs et de désir pour une justice globale, qui s’ajoute aux questions académiques dont j’ai parlé précédemment.

Quelles sont vos motivations pour choisir LAM comme laboratoire d’accueil dans cette mobilité ?

Vu depuis l’université de Bayreuth, LAM est LE centre des études africaines en France, et cela me paraissait logique de l’intégrer. Cette opportunité me permet de contribuer à renforcer les liens entre mon groupe de recherche, l’université de Bayreuth et LAM.

Bien sûr, le côté multidisciplinaire était un atout majeur du laboratoire.

De plus, je suis venu avec toute ma famille et Bordeaux est une ville pratique et attirante.

Interview réalisée par Aurore Epiphanie PROST pour LAM, septembre 2022

Crédit photo: Copyright Astrid Dünkelmann, MPIfG