Bakari Sali – invité de septembre 2021 à mars 2022

Bakari Sali – invité de septembre 2021 à mars 2022

LAM a accueilli pour la deuxième fois Bakari SALI, qui a séjourné à LAM du 02/09/2021 au 31/03/2022.
Il est docteur en histoire de l’Ecole Normale Supérieure de N’djamena (Tchad); sa thèse portait sur la question des armes et la sécurité dans le bassin du lac Tchad.
Son séjour de 7 mois se faisait dans le cadre d’une bourse du gouvernement français pour des études religieuses.
Bakari SALI a également donné des cours aux étudiant.e.s de Master première année de Sciences Po Bordeaux, dans l’unité d’enseignement « analyse risques pays ».
Ses interventions avaient pour objectifs de présenter les facteurs de vulnérabilité du Tchad, ainsi que les mécanismes possibles pour y faire face.

Pouvez-vous expliquer vos thématiques de recherche ?

– La première thématique porte sur une branche de l’islam dépendant du soufisme : la Faida Djaria.
Je me suis questionné sur ce débat existant au Tchad : certains pensent que c’est une confrérie religieuse, d’autres pensent que c’est une branche de la Tijania.
Au Tchad, il n’y a presque pas d’études sur la question et les groupes qui la pratiquent; alors qu’elle est importante car beaucoup de personnes qui se réclament de cette appartenance. C’est une pratique avec un ancrage historique. J’ai donc voulu étudier  ce qu’est  la Faida Djaria dans un pays comme le Tchad, qui se déclare laïc, et où les fidèles sont dans une concurrence intra religieuse. Quelles interactions entre ce groupe et les autres confréries ? Quels sont ses rapports avec les différents courants religieux ? Quelles sont les conséquences que cette doctrine implique sur la société Tchadienne ?

Les conclusions de mon étude montrent que la Faida Djaria n’est pas une confrérie à part. Il s’agit d’une branche de la Tijania car du point de vue de la doctrine, elles ont des fondements très proches.

– Ma deuxième thématique de recherche porte sur l’utilisation d’armes légères de petit calibre et les conflits inter communautaires au Tchad.

Nous faisons ici référence à des armes à feu, automatiques, manipulables par une seule personne. Ces armes devraient être en principe dans des casernes militaires, manipulées par des militaires, des professionnels. Mais elles se sont retrouvées dans les mains de civils au Tchad du fait de la détérioration de la vie politique dans laquelle les mouvements d’opposition armée continuent de jouer un rôle important.

Il y a une grande propension à utiliser ces armes dans de petits conflits entre civils qui dégénèrent aussi en conflits communautaires. Un problème entre deux personnes devient un conflit entre deux clans ou deux ethnies et le nombre de victimes augmente.

J’ai voulu étudier si ces armes sont un facteur générateur ou amplificateur de conflits ? Ou bien encore, si elles étaient à la fois les deux, génératrices et amplificatrices de conflits ?

Quelles sont vos motivations pour le choix de ces sujets de recherches ?

Concernant la Faida Djaria, j’ai voulu contribuer à combler un vide de ces connaissances au Tchad.

Mes analyses ont donné lieu à un article qui sera publié dans les annales du Centre National pour la Recherche et le Développement du Tchad.

Concernant l’étude sur les armes, il y avait un enjeu décisif. Dans le cadre du dialogue national inclusif prévu pour le 10 mai 2022, le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’innovation au Tchad a mis sur pieds un conseil scientifique. Le document que j’ai produit est intégré dans les documents cadres qui serviront de base de discussion lors du Dialogue national inclusif.  

Travailler sur une étude qui aura un impact opérationnel direct sur des mesures gouvernementales est très stimulant. On a vraiment l’impression de faire quelque chose de concrêt. Il y a un réel plaisir à se sentir utile en apportant une contribution dans la résolution de la crise tchadienne.

En quoi séjourner à LAM a été utile dans votre travail ?

Tout d’abord, être à distance de mon terrain d’études m’a permis de prendre du recul et d’avoir une nouvelle lecture sur différentes situations. Je peux citer deux exemples.

Tout d’abord, au Tchad, j’avais l’habitude de faire des conférences et des colloques et je discutais régulièrement avec des collègues. Depuis que je suis ici, je me suis rendu compte que j’évoquais parfois les choses de manière un peu partisane.

Ensuite, au Tchad je suis membre élu secrétaire général de l’Association Tabital Pulakou Tchad. J’ai pris conscience qu’il y avait une contradiction entre ce que je faisais dans ma vie privée et ma vie professionnelle. Un universitaire ne peut pas être un membre actif, affilié à des organisations qui ont des tendances communautaristes. Le combat de l’universitaire doit être placé sur l’Homme et non sur des considérations essentialistes. C’est en venant ici que j’ai pris conscience de cela.

Par rapport au fait de séjourner à LAM, en tant que laboratoire multidisciplinaire, j’ai eu les ressources nécessaires pour le travail : documentation, enseignants africanistes avec lesquels j’ai beaucoup échangé, ce qui donne plus de qualité à mes propres travaux. LAM est un vrai pôle d’attraction, propice pour la production scientifique. Par exemple, en plus de mes travaux cités précédemment, j’ai pu répondre à deux appels à communication : celui des REAF 2022 et un autre de l’université Paris Panthéon Sorbonne. J’attends actuellement les résultats.

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Interview réalisée en mars 2022